Une question m’a souvent tourmenté :
« Quel est le péché le plus grave ? »
J’ai demandé aux autres, j’ai cherché dans les écritures. A différentes époques, j’ai trouvé des réponses diverses. Maintenant il me semble avoir trouvé la vraie réponse. Toutes les œuvres des ténèbres ne sont que la conséquence ; la cause en est toujours plus grave et plus dangereuse que le résultat lui-même. Pour éviter de tels résultats, il faut en déduire la cause. Voici ce que je veux dire : tous les péchés possibles ne sont que le résultat du manque d’amour et tous les problèmes que nous rencontrons proviennent de ce manque d’amour.
Quand il n’y a pas d’amour, les portes sont grandes ouvertes au mal et à toutes sortes de péchés. Les guerres, les conflits de famille et d’individus, les misères : injustices, assassinats, avortements ; tout résulte du manque d’amour envers la vie, le Créateur de la vie et de l’univers. Cela signifie que le manque d’amour est plus dangereux que la haine, car à tout moment, il peut arriver que la haine triomphe de l’amour. Mais où il y a l’amour, tout se purifie et se guérit ! Cependant, si l’amour n’a jamais grandi, il n’y a aucun espoir de règlement et l’on s’enfonce davantage dans un mal profond.
Nous pourrions mieux le comprendre avec cette comparaison. Il est plus dangereux de vivre privé de lumière sans chercher à s’en sortir que de se trouver un instant dans les ténèbres sans issue apparente. Dieu a soufflé dans le cœur humain non seulement le don de l’amour, mais aussi le désir profond d’être aimés et d’être acceptés par les autres. Nous ne pouvons jamais rester insensibles au fait que nous sommes aimés ou non.
Par le baptême, nous est donnée la semence divine de l’amour, de la foi et de l’espérance. Dieu a préparé la terre pour qu’elle puisse croître et se développer. En faisant tout pour faire germer cette semence, nous devenons de plus en plus à l’image et à la ressemblance du Père ; sinon l’amour, la foi et l’espérance restent des talents cachés et enfermés. Peut-être sont-ils bien conservés, mais ils ne portent pas de fruit parce qu’ils sont inexploités. Quand cela se produit avec le don de l’amour, nous pouvons dire que le péché fondamental est accompli. C’est le point de départ de toutes les autres misères et destructions.
Si on ne s’occupe pas continuellement de la croissance de l’amour, alors la mort spirituelle y est déjà entraînant tous les autres maux. Cependant, il n’existe pour l’homme rien d’aussi important que de se passionner pour sa propre croissance dans l’amour. Alors il fait tout pour grandir et mener à maturation ce don de l’amour envers lui-même, Dieu, son prochain et toute la création. Il peut se tenir enfin debout, sur ses propres jambes, capable d’affronter tous les obstacles que le monde lui dresse. L’amour n’est pas mûr quand il dépend constamment de l’amour des autres. Si nous répondons par la même mesure à ceux qui ne nous aiment pas, alors notre amour est conditionnel. Il ne se distingue pas de l’amour des païens qui n’aiment que ceux qui les aiment et ne prêtent qu’à ceux dont ils attendent le retour.
Être passionné pour l’amour et s’efforcer de le fortifier signifie se qualifier pour les plus belles œuvres dans une vraie lutte efficace contre la destruction ; autrement dit, contre le péché lui-même.
Il serait facile maintenant d’imaginer pour un instant que cessent toutes les guerres, que soient rassasiés tous les affamés, que soient accueillis et soignés avec dignité tous les malades, que trouvent une maison d’accueil tous les rejetés, que soient respectés dans leur liberté tous les persécutés, que deviennent heureux tous les affligés et que retrouvent la santé tous les blessés. Seul l’amour peut le faire. Si nous ne sommes pas convaincus que ce rêve puisse se réaliser, cela signifie que nous n’avons pas encore une idée juste du pouvoir de l’amour ; cet amour gravé dans notre cœur comme nous l’enseigne Saint Paul :
« L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs. » (Rm 5, 5)
Sans amour, toutes nos peines intérieures et nos difficultés extérieures tomberont sur nous pour nous anéantir.
Par conséquent, le péché, quelle que soit sa nature, reste le plus grave danger. Il étouffe toujours l’amour dans le cœur.
« Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je ne suis qu’airain qui sonne ou cymbale qui retentit. Quand j’aurai le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science, quand j’aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter des montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens en aumônes, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien.
La charité est longanime, la charité est serviable, elle n’est pas envieuse. La charité ne fanfaronne pas, ne se gonfle pas, elle ne fait rien d’inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, ne tient pas compte du mal ; elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle met sa joie dans la vérité. Elle excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout.
La charité ne passe jamais. Les prophéties ? Elles disparaîtront. La science ? Elle disparaîtra. Car partielle est notre science, partielle aussi notre prophétie. Mais quand viendra ce qui est parfait, ce qui est partiel disparaîtra. Lorsque j’étais enfant, je parlais en enfant, je pensais en enfant, je raisonnais en enfant, une fois devenu homme, j’ai fait disparaître ce qui était de l’enfant. Car nous voyons, à présent, dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. A présent, je connais d’une manière partielle, mais alors je connaîtrai comme je suis connu.
Maintenant donc demeurent foi, espérance et charité, ces trois choses, mais la plus grande d’entre elles, c’est la charité. » (1Cor 13, 1-13)
« Je n’ai pas peur de ce que j’ai fait, mais de ce que j’ai omis de faire » (Patrick Lennen, évêque)
L’amour descend dans nos cœurs sans aucune condition de notre part… Le monde s’est enchaîné dans le mal, les conflits, la haine… Il n’existe aucun homme, aucun système politique capable d’arrêter le désordre dans le monde. Seul l’amour de Dieu, cette épée portée dans ses mains et aiguisée par sa force divine peut le faire. L’amour descend dans nos cœurs sans aucune condition de notre part… Saint Jean écrit :
« Lui nous a aimés les premiers ; » (Jn 5, 19)
Son amour est le gage, la condition préalable pour la croissance de notre amour. C’est là l’unique, l’inédite, l’immense possibilité pour l’homme de grandir en tant que chrétien et de devenir entier une fois pour toute.
Nous pouvons maintenant constater que le christianisme ne cherche pas l’homme pour le modeler selon sa forme ni selon son arbitraire. Cependant l’homme a besoin du christianisme pour alimenter l’amour déjà enraciné dans son cœur par la force de l’amour divin. Lorsqu’on prend conscience que ce grain d’amour est déjà semé et capable de grandir dans notre vie, on devrait inlassablement veiller à sa bonne croissance. Cet effort de notre part est la meilleure collaboration possible avec l’amour divin qui donne et le grain et le goût de croître dans l’amour.
Extrait de « Donne-moi ton cœur blessé »
Du Père Slavko Barbaric
https://ausouffledelesprit.org/2021/06/13/le-peche-le-plus-grave-asde-13/