Memorare novissima tua, et in aeternum non peccabis.
Souvenez-vous de vos fins dernières, et vous ne pécherez jamais. (Eccli.,VII, 40.)
(MF) = masculin-féminin)
Voyez, M. F., combien Jésus-Christ désire nous sauver tantôt il se présente à nous comme un pauvre enfant dans sa crèche, couché sur une poignée de paille qu’il arrose de ses larmes ; tantôt comme un criminel, lié, garrotté, couronné d’épines, flagellé, tombant sous le poids de sa croix, enfin mourant dans les supplices pour l’amour de nous.
Si cela n’est pas capable de nous toucher, de nous attirer à lui, il nous fait annoncer qu’il viendra un jour, revêtu de tout l’éclat de sa gloire et de la majesté de son Père, pour nous juger sans grâce et sans miséricorde ; où il dévoilera à la face de tout l’univers le bien et le mal que nous aurons fait pendant tous les instants de notre vie. Dites-moi, M. F., si nous pensions bien à tout cela, en faudrait-il davantage pour nous faire vivre et mourir en saints ?
Mais Jésus-Christ, pour nous faire comprendre ce que nous devons faire pour aller au ciel, nous dit dans l’Évangile, que les gens du monde mènent une vie entièrement opposée à celle de ceux qui sont à lui tout de bon.
Les bons chrétiens, nous dit-il, font consister leur bonheur dans les larmes, la pénitence et le mépris ; mais les gens du monde font consister leur bonheur dans les plaisir, la joie et les honneurs de la terre, et fuient tout le reste ; de sorte, nous dit Jésus-Christ, que leur vie est entièrement opposée l’une à l’autre, et que jamais ils ne seront d’accord dans leur manière d’agir et de penser. Ce qui est assez facile à comprendre.
Je dis qu’il y a quatre choses qui font le bonheur d’un bon chrétien, ce sont : la brièveté de la vie, la pensée de la mort, le jugement et l’éternité. Et nous voyons que ces quatre mêmes choses font le désespoir d’un mauvais chrétien, c’est-à-dire d’une personne qui oublie ses fins dernières pour ne s’occuper que des choses présentes.
Je dis donc : 1° que la brièveté de la vie console un bon chrétien en ce qu’il se représente que ses peines, ses chagrins, ses persécutions, ses tentations, sa séparation de son Dieu ne seront pas longues.
Quelle joie pour nous, M. F., quand nous pensons que nous quitterons dans peu de temps ce monde où nous sommes tant exposés à offenser le bon Dieu, qui est un Sauveur si charitable, qui a tant souffert pour nous ! Ah ! M. F., avec cette pensée, pourrions-nous bien nous attacher à la vie qui est remplie de tant de misères ?
2° La pensée de la mort. Heureuse nouvelle, s’écria saint Jérôme, quand on vint lui annoncer qu’il allait mourir, heureuse nouvelle qui va me réunir à mon Dieu pour jamais! Et en effet, M. F., puisque la mort est l’instrument dont le bon Dieu se sert pour nous délivrer ;
3° Je dis que le jugement, bien loin de jeter le chrétien dans le désespoir, ne fait que le consoler. Il va trouver non un juge sévère, mais son père et son sauveur : Oui, son père, qui l’attend pour lui ouvrir les entrailles de sa miséricorde, afin de le recevoir dans son sein paternel ; son sauveur, qui va manifester à la face de tout l’univers toutes ses larmes, ses pénitences et toutes les bonnes oeuvres qu’il a faites pendant tous les jours de sa vie ;
4° La pensée de l’éternité met le comble à sa joie. Si son bonheur est infini dans ses douceurs et ses grandeurs, l’éternité lui assure qu’il ne finira jamais. Que cette pensée, M. F., doit nous encourager à bien servir le bon Dieu et à supporter avec patience toutes les misères de la vie, puisque, une fois dans le ciel, nous n’en sortirons jamais ! Ah ! M. F., toutes les misères de ce monde passent, tout cela ne dure qu’un moment, au lieu que la récompense durera toujours. Courage ! nous dit saint Paul, tout à l’heure nous serons au bout de la route.
Oui, M. F., il nous attend les bras ouverts ; il nous ouvre la plaie de son divin Coeur, pour nous cacher à la sévérité de la justice de son Père ; il nous présente tous les mérites de sa mort et passion, afin de payer pour nos péchés. Si notre retour est sincère, il se charge de répondre pour nous au tribunal de son Père, quand nous serons interrogés pour rendre compte de notre vie.
Heureux celui qui obéit à la voix de son Dieu qui l’appelle ! Heureux, M. F., celui qui n’aura jamais perdu de vue que sa vie est bien courte, qu’il peut mourir à chaque instant, et qu’après cette vie il sera jugé, pour une éternité de bonheur ou de malheur, pour le ciel ou l’enfer !
O mon Dieu ! si nous pensions sans cesse à nos fins dernières, pourrions-nous bien vivre dans le péché, pourrions-nous bien oublier ce temps à venir qui, une fois commencé, ne finira jamais ?
Dites-moi, M. F., croyez-vous à cette éternité, vous qui depuis peut-être dix ou vingt ans êtes dans la haine de Dieu ? Croyez-vous à l’éternité, M. F., vous qui avez le bien d’autrui ? Ah! non, non, si vous y croyiez, vous ne pourriez pas vivre comme vous vivez.
Dites-moi, misérable, qui depuis tant d’années avez des péchés cachés dans vos confessions, qui êtes coupable d’autant de sacrilèges que vous avez fait de communions ; hélas! si vous le croyiez un petit peu, ne mourriez-vous pas d’horreur de vous-même en pensant qu’à tout moment vous êtes exposé à aller rendre compte de toutes ces turpitudes devant un juge qui sera sans miséricorde ?
Oui, M. F., si nous avions le bonheur de bien méditer sur ce qui nous attend après ce monde qui est si court, il nous serait impossible de ne pas travailler toute notre vie en tremblant dans la crainte de ne pas réussir à sauver notre pauvre âme. Heureux, M. F., celui qui se tiendra toujours prêt !
C’est ce que je vous souhaite…