Évangile :
Quand les bergers arrivèrent à Bethléem, ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né dans une mangeoire. Après l’avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Et tout le monde s’étonnait de ce que racontaient les bergers.
Marie cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur.
Les bergers repartirent; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu selon ce qui leur avait été annoncé.
Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l’enfant reçut le nom de Jésus, le nom que l’Ange lui avait donné avant sa conception.
Commentaires de Normande Décary :
Il neige ce matin. Il neige et silencieusement le sol se débarbouille de toutes ses aspérités, la boue prend des airs du dimanche. Sur les chemins, les traces du passé s’effacent. Les bruits se font sourds. Les maisons se transforment en ermitage et les habitants en explorateur des espaces intérieurs.
Ce chœur céleste de cristaux qui chante sans bruit fait entendre l’inaudible. Chacun devant ce spectacle soupçonne le lieu secret du coeur où l’amour et la vérité habitent. Un doux murmure sourd des profondeurs et fait lever une lumière de vie dans le tumulte des instants qui basculent les uns après les autres dans le souvenir.
Le temps s’arrête et sur les lèvres se pose un goût d’éternité. Les inquiétudes du lendemain s’évanouissent et tout prête à s’abandonner à cette paix qui vient du ciel. Chaque flocon soigneusement brodé se livre au sol à une main mystérieuse qui les unit pour tisser une tunique sans couture pour revêtir la terre et la faire reposer.
L’édredon du ciel invite à reconnaître celui qui se dépouillera de sa tunique sans couture à la couleur de son sang pour nous recouvrir d’un vêtement blanc, clé d’entrée dans la grande salle des noces de l’Agneau qui ramène à l’unité avec le Père et toute l’humanité depuis ses origines.
« Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils et d’où viennent-ils? » Et moi de répondre : « Monseigneur, c’est toi qui le sais. » Il reprit : « Ce sont ceux qui viennent de la grande épreuve : ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau. » (Ap 7, 13-14)
Le rouge et le blanc s’épousent, le feu de l’Esprit et l’eau du baptême se conjuguent, le temps des divisions s’efface, le Sauveur est né. Un déluge de pain de vie tombe sur la terre depuis la naissance de Jésus dans ce modeste abri de Bethléem.
Telle une tempête de neige, il couvrira d’espérance tous les cimetières de la blancheur de son pain de vie qui vient du ciel. Il mettra fin à toutes les divisions, tous les désespoirs, toutes les solitudes des vieillards abandonnés, à la mort de tous les enfants assassinés, aux pleurs des mères éplorées, aux souffrances des prisonniers maltraités, des pauvres méprisés, des étrangers sans demeure, des malades sans aucun soin…
« En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle. Je suis le pain de vie. Vos pères, dans le désert, ont mangé la manne et sont morts; ce pain est celui qui descend du ciel pour qu’on le mange et ne meure pas.Je suis le pain vivant, descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais. Et même, le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde. » (Jn 6, 47-51)
Les bergers au champ ont entendu le chant silencieux de ce pain de vie qui descendait du ciel. Ils ont vu dans la campagne, mêlée aux étoiles, l’armée céleste glorifiant Dieu. Les pierres mêmes ne pouvaient se taire et chantaient, les brebis avaient des airs de fête. L’Éternel se fait temporel, Dieu qui est Esprit se fait chair, il se dépouille, s’anéantit, s’humilie pour relever l’humanité, la sauver de la mort et de tout ce qui la divise et l’éloigne de l’unité de l’amour.
Croyez-vous que Dieu, la Sagesse éternelle, ignore que cette humanité le nie, le renie, le méprise, l’ignore, qu’elle le flagellera, le couronnera d’épines, le crucifiera? Non, il le sait et de ce mal, il fera du bien, de la mort, il fera jaillir la vie, du mensonge la vérité, du laid ce qu’il y a de plus beau, du méchant du bon.
Pour les crachats qu’il recevra, il ouvrira son cœur pour laisser couler une source de vie intarissable. Une grande clameur se fait entendre dans le ciel et elle est toujours là, elle ressemble au bruit de la neige qui tombe au sol, de la manne cachée qui se répand sur la terre depuis deux mille ans déjà. Il n’y a pas un endroit où le pain de vie de ce petit enfant n’a pas trouvé place et il poursuit son don avec toujours plus d’abondance.
Les anges dans le ciel voudraient mourir d’amour comme les hommes pour s’offrir avec lui et s’unir à cet amour sans mesure. Ils envient le pécheur de pouvoir se laver de ses fautes et pouvoir par lui mourir d’amour avec lui pour les autres.
« Soyons dans l’allégresse et dans la joie, rendons gloire à Dieu, car voici les noces de l’Agneau, et son épouse s’est faite belle : on lui a donné de se vêtir de lin d’une blancheur éclatante » — le lin, c’est en effet les bonnes actions des saints. » (Ap 19, 7-8)
Les bergers ne savent trop comment raconter l’émoi des anges à l’annonce qu’ils leur font que l’enfant Dieu est dans une mangeoire à Bethléem, que l’Éternel est dans les bras d’une maman de la terre et sous la garde d’un charpentier. Ils semblaient avoir de la difficulté à croire ce qu’ils n’avaient pas à croire puisqu’ils le voyaient en toute intelligence. Tant d’amour! Tant d’amour dans un si petit enfant!
Marie en écoutant les bergers raconter cette allégresse du ciel regardait toute cette joie qui brillait sur leurs visages, cette lumière qui sortait de leurs bouches. La mort semblait déjà terrassée, Abraham dansait dans sa tombe, David cherchait sa lyre, Samuel prophétisait, Noé voyait la colombe venir.
Marie laissait ces visages se graver de manière indélébile dans sa mémoire, elle gardait dans son cœur chaque moment avec toute la lumière des yeux de l’un, le silence de l’autre, et ce silence, cette pluie de grâce, ce feu dans la paille, le rire de l’enfant Jésus, l’humilité de Joseph, les anges partout en adoration.
Une neige de paix remplissait l’étable, une tempête d’amour s’abattait sur la terre, la terre se transformait en ermitage où chacun trouvait lieu pour s’agenouiller et adorer le Fils de Dieu qui venait nous donner « le pouvoir de devenir enfant de Dieu. » (Jn 1, 12)
« Aussi, suis donc mon conseil : achète chez moi de l’or purifié au feu pour t’enrichir; des habits blancs pour t’en revêtir et cacher la honte de ta nudité; un collyre enfin pour t’en oindre les yeux et recouvrer la vue. Ceux que j’aime, je les semonce et les corrige. Allons! Un peu d’ardeur, et repens-toi! Voici, je me tiens à la porte et je frappe; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi. » (Ap 3, 18-20)
NDC